Voyage du bleu au noir…

Posted by Mama on 5 août 2012 | Subscribe
in Mama lit..., Mama râle...

J'aurai pu vous parler de la marche bleue à Clichy. J'aurai pu vous parler des tee shirts turquoises, cobalts, canards, marines, pétroles, chines, lavandes,  majorelles et des daltoniens en rouge ou vert. J'aurai pu vous parler des cheveux bleu nuit, des ongles bleu roi, des sourires électriques, des rires pastels, des ballons azurs, des embrassades ciels. J'aurai pu vous parler des croupiers en civil méconnaissables, venus en famille et d'une petite princesse dans sa jolie robe saphir, s'ébattant librement au milieu du Cercle vide et des joueurs de billard passant leurs queues au bleu, sous la verrière céleste et givrée d'une lumière bleutée. J'aurai pu vous parler des filles qui se battent depuis deux ans pour jouer le Ladies gratuitement et qui n'étaient pas là et des gars qui faisaient les paons ailleurs, peut-être en vacances dans les mers du sud, ou outremer barbotant dans le grand bleu, ou en train de jouer au Poker à Sarcelles, va savoir... Oui j'aurai pu, pas envie finalement, je préfère tourner le dos à ma déception, ce serait cyan de m'entendre râler qu'on était trop peu, pas envie de vous mettre une peur bleue et Blacky se serait fait un malin plaisir de me dire dans un regard d'acier: "Ventrebleu!!! Alors qui avait raison!!! C'est qui le Roi??? Ton affaire c'était pas le mur de Berlin, on est pas en Prusse, les barbeau il leur en faut plus pour les déplacer, relis Klein!!! T'es vraiment fleur bleue!!! Tu n'y a vu que du bleu et tu t'es faites avoir comme une bleue!!! " J'aurai préféré qu'il me dise: "Allez bluette fais pas la tête, on va manger au Train Bleu et on se mettra bleus à coup de cocktails au curaçao. Oui je sais qu'en plus d'avoir du sang bleu et d'être un bas bleu, tu es un cordon bleu, mais tu ne vas pas cracher sur un onglet bleu, une tranche de bleu d'Auvergne et quelques dragées!!! Ça soigne les bleus à l'âme ça!!!" Oui MON Blacky ne pense qu'à bouffer entre deux vannes!!! Pas si cyan que ça en fait, le Blacky c'est pas Charon, même si c'est pas non plus le genre à vous couvrir de bleuets, d'aigue-marine, ou de lapis-lazuli, je sais qu'au restau il payera l'ardoise, je le laisserai faire sans scrupules, ce n'est pas un col bleu ^^ Passons donc du bleu au noir, pour parler lecture, d'un livre qui m'a saupoudré le cœur d'indigo, et fait couler des larmes bleues comme l'enfer. L'enfer où nous emmène Karine Giebel est bien réel, fait de murs, de grilles et de solitude. Les 20 ans de Marianne sont rythmés par le bruit des clés et celui des trains qui passent au loin, lui offrant 10 secondes d'un voyage imaginaire, loin. Loin des matons, des codétenues, loin surtout d'elle-même, de ses cauchemars, de ses remords, de sa violence. Perpétuité à 20 ans, une vie entière incarcérée. On lui propose l'évasion, mais derrière la porte, le prix à payer est exorbitant. Samedi 23H25 je tourne la dernière page dans un frisson et une larme, me raccrochant à quelques clopes, barreaux d'une échelle improvisée, pour sortir du glauque où je baigne depuis 3 jours. 988 pages faites de pure souffrance et d'une violence indicible, qui m'ont plusieurs fois amenée au milieu d'une scène particulièrement éprouvante, à jeter le livre loin de moi dans un sursaut dégouté, comme on le fait en découvrant un insecte frétillant des antennes dans une boîte à secret: dégout, rejet, on ne craint rien, mais on frémit d'une peur abjecte. Cette même peur qui tenaille tous les personnages du livre, horriblement humains, dans des portraits  finement nuancés à l'aquarelle, ou le rose s'imbibe toujours de noir. Très vite on ne sait plus où sont les bons, où sont les monstres, dans ce huis-clos sordide qui démultiplie toutes les émotions, force tous les traits, corrompt, avilie. Meurtres pour rédemption et les regards omniprésents échangés par ses acteurs, regards bleus, noirs, émeraudes, risquent de me poursuivre quelques semaines, impossible de ressortir intacte de ce périple, dans les méandres viciés de l'âme humaine... Prologue Tous les soirs se ressemblent, les nuits aussi. Et les jours, c'est pareil. A quoi se raccrocher alors ? Aux repères, ceux qui rythment le temps, évitant qu'il ne devienne une hideuse masse informe. S'y cramponner, comme à des arbres au milieu d'une plaine infinie, à des voix au cœur du silence. A chaque heure, quelque chose de précis. Gestes, odeurs, ou son. Et au-delà des murs, le train. Décibels de liberté venant briser l'aphasique solitude. Celle-là même qui vous dévore lentement, morceau après morceau. Qui vous aspire sans heurt vers les abîmes du désespoir. Le train comme un peu de dehors qui s'engouffre en vous jusqu'à l'âme, se moquant des barrières, de l'épaisseur du béton ou de la dureté de l'acier. Fuir avec lui. Voyages imaginaires qui transportent ce qu'il reste de soi vers des destinations choisies. S'accrocher aux wagons, prendre le train en marche. Il ne reste plus que ça. Là au cœur de la perpétuité.
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