Au Bonheur des Dames … Part one…

"Calme et volupté ... je m'abandonne ... chut ! ne dites rien, ces instants de douceur ne se partagent pas, ils sont à moi, rien qu'à moi." Ni du Prévert, ni du Géraldy, encore moins du Baudelaire, mais le magnifique teasing qui orne mon gommage corps à la vanille Treacle Moon acheté chez Monoprix. Ma mère me l'a répété toute mon enfance: "si tu ne travailles pas bien à l'école, tu finiras caissière à Monoprix". Déjà à l'époque je n'y voyais rien de déshonorant, à part la blouse rose qui aurait déshonorée n'importe qui. Mais voilà le croquemitaine a fait peau neuve:  la vieille peau vulgaire, née dans les années 30, qui proposait ses charmes pour un modique prix unique dans la belle ville de Rouen, s'est transformée en une pimpante jeune cadre citadine presque chic. C'est du moins ce qu'on veut nous faire croire, on a toujours l'âge de ses artères 🙂         Depuis quelques années la vioque a été prise en main pour un violent coup de jeune, que la relookeuse tortionnaire de M6 Cristina Cordula ne renierait point. On commence par le patronyme. Monoprix c'est clair ça ne fait pas rêver la bourgeoise rive gauche, alors que Monop' avec l'apostrophe en rondelle de cul de poule dans la bouche des bobos, ça claque!!! Que des messages positifs: OPen, OPérationnel, OPtimum, OPtimiste,OPulent... On le décline donc à toutes les sauces de Monop'store à Daily Monop. Il fallait ensuite que les produits suivent et là encore c'est une success story: une sélection Monoprix Gourmet très judicieuse, une cave bien équilibrée, une ligne de vêtements enfant vraiment jolie, pour la femme je suis plus sceptique. Les produits basiques ont été habillés d'un sympathique packaging. Il suffisait de lâcher une armée de Ben en herbe élevés chez Ruquier et passablement défoncés à de très forts champis, stylo en main, pour émailler de leurs commentaires, plus ou moins réussis, les emballages. Quelques exemples pour les non initiés, je vous laisse juges, avant que je vous narre par le menu, mon bref passage au sein  du personnel de cette grande famille...         -Gâteaux à la fraise: c'est à force de ramener sa fraise qu'on finit en purée -Saumon fumé: hêtre ou ne pas hêtre -Tarama: on a découvert le pot au rose -Haricots Blancs: on a tous un côté fayot -Chorizo: le sombre héros de l'Apéro A quand le savon intime: j'aime pas les fruits de mer, les hamburgers: pour quelques kilos de plus, l'huile de palme: élevez votre crabe et le fond de teint: Truella à la rescousse...       Bref Août 2008 après avoir mis la clé sous la porte de mon Dépôt-vente poignardée dans le dos par Ebay, je bosse un mois pour un pote qui s'occupe d'une marque de vêtement pour anorexiques branchées, le L correspondant à un tout petit 38. Je poursuis par 2 mois de glande devant Facebook, fait un CDD d'un mois chez Alice Délices,  me plante en moto et passe trois mois à panser mes plaies sur fond d'abyssinale déprime et de questions existentielles. Dans quel état j'erre (sur les lingettes anti-poussière)? Aucune envie d' enfiler ma panoplie tailleur-talons et d' aller batailler, en motivant à coup de formules toutes faites, un troupeau de commerciaux encravatés. La restauration j'ai donné deux ans et je sais à quel point les horaires de Manager sont incompatibles avec une vie de famille. Monter ma boîte j'en sors et je me dis terminé ce genre d'extravagance!!! C'est à ce point de ma réflexion, que j'apprend l'ouverture d'un Monop' Store juste en bas de chez moi, flanqué d'un restaurant. Sur un coup de tête je balance un CV de Manager restauration le 25 mars et...suis recontactée deux heures plus tard, pour un entretien le lendemain. Je me déguise en candidate idéale, ce que je semble être, puisque à l'issue du RDV, il m'offre un poste. Il déplore que les deux places de Managers soient pourvues, mais me propose de faire patienter mes compétences et mon expérience, d'après lui, vil flatteur, bien au-dessus du lot, et de bénéficier d'une formation maison et d'un prompt avancement que je ne manquerai pas de mériter... Mama se tâte... Boulot de merde 35h au SMIC avec promesse de promotion rapide: j'ai un peu passé l'âge non? MAIS: temps de transport 2mn chrono, 9H-15H du lundi au vendredi et 18H-23H le samedi,  me permettant d'honorer la sortie d'école de Miss Bijoux, mutuelle, tickets restau, 10% sur l'alimentaire et 15% pour le reste cumulable avec les soldes, des primes, des intéressements ... je signe. Et puis ça fera tellement plaisir à ma mère 🙂 Je suis envoyée en formation au très prisé magasin de la Rue de Rennes. Une équipe féminine et solidaire, une directrice adorable et à l'écoute, tout ça sent plutôt bon. Nous sommes sensés être "employés polyvalents" formation en 4 temps donc. Jour 1 plats chauds:ouvrir des poches sous vide et les faire réchauffer, du grand Art. Jour 2 service en salle: bon ben ça on connait. Jour 3 la caisse (Maman si tu m'entends) : j'avoue je raffole pas. Jour 4 les tartines Poilânes, mon préféré: on m'explique de manière très appliquée, comment tartiner du tarama, couper une tomate et réaliser la vinaigrette Monop' que même Bocuse nous envie. En 5 jours je suis Monopérationnelle, que la fête commence. Le 1er avril, hé oui cette histoire est une gigantesque farce, inauguration en grandes pompes du magasin  avec tous le gratin du groupe. Cocktail organisé au défunt Club Med. Je réfrène mon premier mouvement d'humeur, quand la directrice, qui a bien lu le premier chapitre du Management pour les nuls, après nous avoir demandé notre prénom qu'elle mettra un point d'honneur à retenir en venant nous saluer chaque matin en bonne héritière du 19e siècle, nous recommande de bien nous tenir au pince-fesse. Euh elle a peur de quoi la dame? Qu'on vole les petits fours dans notre sac? Qu'on se noie dans le champagne gratos? Qu'on finisse par lui faire à la queue leu leu  et la danse des canards en entraînant dans la danse notre PDG? Les discours à la gloire de Sainte Monop' se succèdent: je la rassure pas de risques d'en glisser une bien bonne, tout le monde semble être assis sur un parapluie côté pointe... A SUIVRE...